Avez-vous toujours rêvé d’être chanteuse lyrique ?
Karine Deshayes Petite fille, je chantais beaucoup. Mon répertoire était celui de Disney ! Et mon rêve était de devenir Blanche-Neige. Je n’y suis pas arrivée, mais j’ai incarné sur scène le rôle de Cendrillon dans La Cenerentola de Rossini. À 14 ans, sur les conseils de mon professeur de solfège, j’ai pris des cours de chant. Mais je ne songeais pas à en faire mon métier car ma voix n’avait pas encore mué. Il faut attendre 17-18 ans pour être sûr de sa tessiture. J’ai suivi un cursus de musicologie à la Sorbonne et l’année de ma licence, je suis entrée au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Je suis devenue chanteuse naturellement, encouragée par ma famille et ma professeure de chant, Mireille Alcantara, rencontrée à 20 ans, avec qui je travaille toujours.
Avec un père musicien, vous êtes née dans le milieu…
C’est vrai qu’avec un père corniste, j’ai été très tôt immergée dans le monde de la musique. À 4-5 ans, il m’emmenait à des répétitions et à des concerts, et à 12 ans à l’opéra, où il jouait les musiques de scène. Un vrai déclic s’est opéré en moi. J’ai été subjuguée par l’association du théâtre et de la musique. Après six ans d’apprentissage du violon, je me suis rendu compte que je ne faisais pas corps avec mon instrument, contrairement à ma voix. Je la travaille avec autant d’exigence et de rigueur que le violon, mais aussi avec un plaisir plus immédiat.
Mezzo-soprano, à quel répertoire vous destine votre voix ?
C’est une voix intermédiaire qui ouvre sur un très large répertoire : baroque, classique, bel canto, grand opéra français, mélodies. J’ai commencé par chanter des rôles de travestis, très amusants sur le plan du jeu, comme Cherubino dans Les Noces de Figaro ou Stephano dans Roméo et Juliette de Gounod. Parallèlement, j’interprétais des rôles de soubrettes, de jeunes filles comme Zerline dans Don Giovanni. Cette tessiture se prête à la vocalité du bel canto que l’on retrouve chez Rossini, Donizetti et Bellini. C’est une voix qui permet aussi de chanter Carmen et Charlotte dans Werther de Massenet.
Vous avez un faible pour Rossini ?
C’est l’un de mes compositeurs préférés, celui que j’ai chanté le plus souvent depuis le début de ma carrière. Mon premier rôle rossinien a été celui de Clarina dans La Cambiale di matrimonio en 1999. Puis Rosine du Barbier de Séville en 2001 et trois ans plus tard, Angelina dans La Cenerentola. J’aime la gaîté de sa musique et sa virtuosité. C’est aussi un compositeur qui sait être très
émouvant. Cette année, j’ai eu l’immense bonheur d’être invitée à chanter un récital au festival Rossini de Pesaro, dans sa ville natale. J’y retourne l’année prochaine pour le rôle-titre d’Elisabetta, Regina d’Inghilterra.